BOUDU de septembre 2021

Mes recommandations concernant les T.C.A

La pandémie de COVID-19 et les confinements successifs ont exacerbé les troubles du comportement alimentaire (TCA), plongeant des milliers de personnes dans des situations de crise et de rechute. Les associations, comme Anorexie Boulimie Occitanie, ont rapidement réagi en multipliant les groupes de parole et en offrant des rendez-vous en visioconférence pour répondre à l’augmentation dramatique des demandes d’aide, qui ont quadruplé dès le premier confinement. La présidente de l’association, Claude Bois, observe que cette période a été particulièrement destructrice pour ceux souffrant de boulimie, d’anorexie et d’hyperphagie. Dans l'isolement imposé par les restrictions sanitaires, les personnes atteintes de TCA se sont souvent retrouvées sans soutien, comme Justine, une étudiante anorexique et boulimique de 21 ans, dont les échanges téléphoniques avec une amie anorexique alimentaient la spirale de l’auto-dévalorisation et de la culpabilité.

 

Caroline Seguin, diététicienne spécialisée dans les TCA, a dû adapter son approche pour répondre aux urgences et aux nouvelles demandes qui se sont accumulées. Les confinements, avec leur impact sur la santé mentale, ont été particulièrement éprouvants pour les personnes souffrant de TCA, car la situation anxiogène renforce les comportements restrictifs et compulsifs. Les patients se retrouvent confinés avec des tentations constantes : "Enfermer quelqu'un qui a des TCA chez lui, avec les placards et le frigo à proximité, c'est comme mettre un alcoolique devant un bar", souligne-t-elle. Cette proximité avec la nourriture, conjuguée à l’isolement et à l’anxiété, a mis en lumière la nécessité d’un accompagnement renforcé.

 

Pour les étudiants, l’impact du confinement et de l’enseignement à distance a été particulièrement destructeur. Les jeunes, déjà exposés à un "désert social", ont vu leur moral chuter, une tendance confirmée par Claude Bois, qui note une augmentation des cas de TCA chez les jeunes femmes. Marie, une jeune femme souffrant d’anorexie restrictive, a vécu cette situation en mai 2020. Pendant le premier confinement, elle pensait être en meilleure santé parce que son poids s’était stabilisé, mais cette illusion s’est écroulée lors du déconfinement. Avec un poids dangereusement bas de 33 kg pour 1,60 m, elle attend désormais une hospitalisation pour reprendre le contrôle.

 

Les réseaux sociaux ont également amplifié la détresse des personnes atteintes de TCA pendant cette période. Justine a constaté la réapparition de hashtags pro-anorexie, qui promeuvent des régimes extrêmes et idéalisent la maigreur, participant à renforcer l’auto-dévalorisation. Patricia Filaire, vice-présidente d'Anorexie Boulimie Occitanie, explique que ces contenus peuvent pousser les personnes à minimiser la gravité de leur situation et alimenter leur déni.

 

Pour beaucoup, comme Justine, les périodes de confinement ont accentué l’angoisse et les comportements alimentaires destructeurs. Malgré une conscience de leur souffrance, certains hésitent à chercher de l’aide professionnelle. Cette situation d’urgence a mis en lumière non seulement les effets des TCA, mais aussi l’importance cruciale d’un soutien accessible et ininterrompu pour éviter que les troubles ne s’aggravent face aux contraintes sanitaires et sociales imposées par la pandémie.

COVID 19 et troubles alimentaires : l'urgence

L’association Anorexie Boulimie Occitanie a dû parer au plus pressé. En quelques semaines, dès le premier confinement, ses bénévoles ont doublé les groupes de parole et instauré des rendez-vous individuels en visioconférence. « Nos appels et mails ont été multipliés par 4 », confie Claude Bois, présidente de l’association. Concernant principalement la boulimie, l’anorexie et l’hyperphagie, ces appels au secours révélaient souvent des situations difficiles et des pertes de contrôle, comme ce fut le cas pour Justine, une étudiante toulousaine anorexique mentale et boulimique âgée de 21 ans : « Je passais mon temps à compter les calories, à faire une crise, à m’empiffrer puis à culpabiliser. C’est un engrenage dont on ne peut sortir seule. Pendant le confinement, les seules discussions que j’avais, c’était au téléphone avec une amie anorexique. On se tirait vers le bas. Je me faisais vomir une, deux, trois fois par jour et personne ne pouvait le savoir ». 

 

Les thérapeutes comme Caroline Séguin, diététicienne et nutritionniste spécialisée dans les troubles alimentaires, ont dû eux aussi se réorganiser face à l’afflux de nouveaux patients, aux rechutes et aux urgences : « J’ai réduit les délais d’attente, travaillé le week-end et le soir, raconte-t-elle. Je recevais régulièrement des appels de personnes au bord du suicide. Le confinement, la situation anxiogène, renvoie à la dimension de restriction. C’est stressant pour tous, mais l’impact est encore plus important sur les personnes atteintes de TCA. C’est souvent un cumul de facteurs qui provoque ces troubles, et le Covid est l’un d’entre eux ».

 

 Estelle, une trentenaire toulousaine atteinte d’anorexie mentale et de boulimie, a rechuté lors du deuxième confinement : « Au premier confinement, on pensait tous que la pandémie allait s’arrêter en quelques mois. À l’annonce du deuxième, il n’y avait plus d’espoir de retrouver une vie normale. Lors du discours de Macron, je me suis dit que c’était l’occasion de manger plus léger et c’est parti en cacahuète » se désole-t-elle. 

 

« Enfermer quelqu’un qui a des TCA chez lui, avec les placards et le frigo à proximité, c’est comme mettre un alcoolique devant un bar » assène Caroline Seguin. 

 

Pour Claude Bois, les étudiantes seraient les plus touchées : « Les cours à distance posent problème. Pour les étudiants, c’est un désert social et ils n’ont pas le moral ». Marie a vécu cette situation en mai 2020. Atteinte d’anorexie restrictive, cette Bruguiéroise de 31 ans était dans l’hyper-contrôle de sa consommation alimentaire durant le premier confinement : « Sur le moment j’ai cru que mon état s’était amélioré car mon poids s’était stabilisé. Mais c’était très néfaste. Au moment du déconfinement, tout s’est effondré car il y avait trop d’incertitudes et aucune possibilité de maîtriser la situation ». Avec un poids de 33 kg pour 1,60m, elle attend une place pour être hospitalisée. 

 

À ce contexte anxiogène s’ajoute l’effet délétère des réseaux sociaux. Justine en a fait les frais : « J’ai vu les hashtags pro anorexie refaire surface ». Ces hashtags, régulièrement détournés pour éviter la censure du réseau social, dirigent vers des photos de jeunes femmes en état d’extrême maigreur pour « s’en inspirer », des recettes avec très peu de calories et des propos minimisant la gravité de la pathologie. Pour Patricia Filaire, vice-présidente d’Anorexie Boulimie Occitanie, les réseaux sociaux peuvent avoir des effets pervers, « Ils conduisent au déni, ou à sous-évaluer son état. Ils permettent aussi aux personnes atteintes de TCA d’être vues et soutenues ». 

 

Avec le troisième confinement d’avril dernier, et le couvre-feu, les malades comme Justine voient leur angoisse croître : « Je n’arrive plus à avoir un bon rapport avec la nourriture. Je sais que la bonne solution serait d’aller voir un psy, mais je ne le ferai que si on m’y force ».