Mes recommandations concernant les T.C.A
Les troubles du comportement alimentaire, tels que l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie boulimique, sont des affections complexes qui impactent profondément la relation d’une personne avec la nourriture et son corps. Ces troubles affectent souvent les adolescents et se manifestent de diverses manières : certains ressentent un besoin incontrôlable de manger suivi de remords et de comportements compensatoires comme les vomissements, tandis que d’autres, au contraire, développent une obsession pour la minceur et réduisent drastiquement leur alimentation.
Les troubles du comportement alimentaire se définissent par des altérations significatives de la relation à l’alimentation, qui ont des répercussions aussi bien physiques que psychologiques. Ils concernent majoritairement les jeunes, mais aucun chiffre officiel ne permet d’établir leur prévalence exacte en France. Les formes les plus fréquentes sont l’anorexie mentale et la boulimie, mais l’hyperphagie boulimique est de plus en plus reconnue. Ces troubles, bien qu’ils semblent répondre à une quête de contrôle de l’apparence, révèlent souvent des facteurs sous-jacents bien plus profonds : une faible estime de soi, des pressions sociales, des conflits familiaux, et même des influences génétiques.
L’anorexie mentale, par exemple, se caractérise par une restriction sévère de l’alimentation qui peut durer des mois, voire des années, conduisant à une perte de poids importante et une peur intense de la prise de poids. Ce trouble touche principalement les adolescentes de 14 à 17 ans, mais il peut survenir à tout âge, et même chez les hommes, bien que cela soit moins courant. La boulimie, quant à elle, consiste en des crises de suralimentation suivies de comportements compensatoires comme les vomissements ou le jeûne, des mécanismes mis en place pour éviter la prise de poids. Enfin, l’hyperphagie boulimique, qui se distingue par l’absence de ces comportements compensatoires, est souvent associée à un surpoids et cause une souffrance psychique importante.
La prise en charge des troubles du comportement alimentaire est d’autant plus efficace qu’elle est précoce et pluridisciplinaire. Il ne suffit pas d’agir uniquement sur la nutrition ou uniquement sur le plan psychologique ; une approche complète est nécessaire. L’intervention d’un diététicien, d’un psychologue et parfois d’un endocrinologue permet d’agir sur tous les aspects du trouble. Dans certains cas, l’hospitalisation est indispensable, notamment pour l’anorexie mentale lorsque l’indice de masse corporelle devient dangereusement bas ou qu’un risque de décompensation psychiatrique se présente.
Les conséquences des troubles du comportement alimentaire sont multiples : la dénutrition sévère liée à l’anorexie, par exemple, peut entraîner des troubles cardiovasculaires, une perturbation hormonale, et de nombreux autres effets sur la santé. La boulimie, elle, peut occasionner des troubles métaboliques, des problèmes dentaires dus aux vomissements et, dans les cas graves, des défaillances cardiaques. Pour l’entourage des patients, il est crucial de repérer les signes avant-coureurs comme des changements soudains dans le comportement alimentaire, un désintérêt pour certaines activités, ou une altération des relations sociales.
Pour accompagner un enfant ou un adolescent atteint de troubles alimentaires, il est essentiel d’adopter une attitude bienveillante et de l’impliquer activement dans sa prise en charge. Un soutien familial sans jugement et une écoute attentive sont fondamentaux pour que l’enfant ou l’adolescent puisse accepter et participer pleinement à son processus de guérison.
Anorexie, boulimie et hyperphagie boulimique : quels sont ces troubles du comportement alimentaire (TCA) ?
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont définis comme une perturbation de la relation à l’alimentation, qui a des conséquences significatives sur la santé physique et psychique de l’individu. Il n’y a pas de chiffres officiels en France sur le nombre de personnes atteintes. Mais ce sont des maladies qui touchent en grande majorité les adolescents. L’anorexie mentale et la boulimie sont les TCA les plus courants en France. Comment les définir ? Les traiter ? On en parle avec Caroline Seguin, nutritionniste comportementaliste et spécialiste des psychothérapies adaptées aux TCA.
Il existe trois différents types de troubles alimentaires :
L'anorexie mentale se caractérise par « une restriction des apports alimentaires durant plusieurs mois, voire plusieurs années, conduisant à une perte importante de poids associée à un certain "plaisir de maigrir" et une peur intense de prendre du poids. La personne souffrant d'anorexie mentale a le sentiment d'être toujours en surpoids et cherche à maigrir par tous les moyens ». C’est une maladie qui touche en majorité les femmes (entre 0,9 et 1,5 % contre 0,2 à 0,3 % des hommes), et surtout les adolescentes âgées de 14 à 17 ans. Même si elle est une maladie rare, l’anorexie mentale est la maladie psychiatrique qui engendre le taux de mortalité le plus élevé, jusqu’à 10% selon les chiffres de la HAS.
La boulimie, elle, se définit par « une frénésie alimentaire,des prises compulsives de quantités importantes de nourriture suivies de comportements compensatoires (vomissements, prise de laxatifs, jeûne ou exercice physique excessif…) ». Les comportements compensatoires “permettent” à la personne atteinte de boulimie d’éliminer les excès entraînés par les crises et par l’ingestion d’une trop grande quantité de nourriture. Selon ameli.fr, la boulimie touche environ 1,5 % des 11–20 ans et concernerait essentiellement les filles.
L'hyperphagie boulimique, c'est lorsque les épisodes récurrents de crises de boulimie ne sont pas associés à des comportements compensatoires (vomissements, utilisation de laxatifs...). En général l'hyperphagie boulimique occasionne un surpoids ou une obésité et génère une souffrance psychique.
Anorexie mentale ou boulimie, ces deux troubles du comportement alimentaire sont des troubles dont il est possible de guérir, insiste Caroline Séguin : « Il faut donner un message d’espoir aux personnes concernées et aux parents. Les troubles du comportement alimentaire sont avant tout des troubles du comportement. Donc si c’est comportemental, cela peut se rééduquer. »
Perte importante de poids, refus de manger certains aliments, obsession de la minceur, pratique trop intensive du sport, sont des symptômes de l’anorexie mentale. Ils sont repérables, l’important est de le prendre en charge précocement afin de ne pas laisser le schéma s’installer. La boulimie est plus difficile à diagnostiquer que l’anorexie mentale, puisqu’elle présentedes signes cliniques moins évidents : « En général, ce sont des personnes qui ne sont ni maigres, ni en surpoids. Si on veut s’en rendre compte, il faut creuser », analyse Caroline Seguin.
On a longtemps cru que les troubles du comportement alimentaire, et donc l’anorexie mentale et la boulimie, n’étaient liés qu’à des troubles psychologiques ou relationnels avec les proches. Ce sont en réalité des maladies “multifactorielles”. « Elles ne touchent pas que les ados qui veulent maigrir pour suivre un idéal de beauté, c’est trop restrictif. Ça peut être un des facteurs, mais cumulé à de l’hypersensibilité, de la pression sociale à l’école, à un manque d'estime de soi, à une pression des parents, une alimentation trop contrôlée… Il y a plein de facteurs qui contribuent à l’instauration de ces schémas mentaux », confirme Caroline Seguin.
Des études menées dans les années 1980 ont également prouvé qu’il pourrait y avoir des raisons génétiques à l’anorexie mentale : « Plusieurs gènes de susceptibilité situés sur des chromosomes différents seraient concernés », affirme ainsi ameli.fr. Mais rappelle l’INSERN, « aucun gène prédisposant directement à l’anorexie mentale n’a été mis en évidence ».
Aucun gène n’a été mis en évidence pour la boulimie. Mais ce qui revient souvent, pour les deux troubles du comportement alimentaire, est le contexte familial. Avoir eu un membre de sa famille atteint de TCA augmenterait les risques d’en être atteint à son tour: « Ce qu’on remarque, c’est que parfois les troubles de l'alimentation se posent dans des familles. C’est souvent des gens dont on va retrouver des personnes atteintes dans l’arbre généalogique », confirme Caroline Seguin.
Plus la prise en charge est précoce, plus le patient a des chances d’en guérir rapidement et surtout de ne pas faire de rechute. L’anorexie mentale et la boulimie sont des maladies multifactorielles. Elles doivent donc être traitées grâce à la pluridisciplinarité afin d'avoir des résultats. Ne consulter qu’un.e psychiatre ou qu’un.e diététicien.ne n’est pas suffisant : « Si on axe sur un seul des domaines, il y aura des stigmates importants qui resteront, et donc probablement un échec à la thérapie. Il faut vraiment cibler plusieurs axes de travail. Alimentaire bien sûr, avec un diététicien, ou un endocrinologue, afin de changer la conduite alimentaire, mais aussi, en parallèle, la psychologie, qui est extrêmement importante, et qui doit être un pilier du soin », insiste Caroline Seguin.
L’hospitalisation peut parfois être nécessaire pour l’anorexie mentale, et demandée par un professionnel de santé. En cas de décompensation psychiatrique aiguë ou de perte de poids importante (en règle générale si l’Indice de masse corporelle - IMC - est inférieur à 15), ou lorsque le poids passe en dessous d’une limite fixée avec le psychiatre référent. Cette hospitalisation doit être organisée dans un service de psychiatrie spécialisé dans les troubles des conduites alimentaires, de préférence avec l’accord de la personne concernée. Elle est plus rare pour les cas de boulimie, mais peut être demandée en cas de tentative de suicide, de présence de troubles psychiatriques sévères ou d’épisode majeur de boulimie.
Elles sont multiples et sur plusieurs plans. Les troubles de l'alimentation n'ont pas uniquement des conséquences sur la santé physique. « C’est vraiment un envahissement de la pensée, avec chez la personne atteinte une représentation d’elle-même qui s’altère. Ça impacte tous les niveaux. L’alimentation bien sûr, la relation aux parents, la scolarité, l'estime de soi, la vie sociale, les tenues vestimentaires… ça perturbe l’identité.»
Concernant l’anorexie mentale, selon l’Inserm, 87% des patients peuvent être touchés par une atteinte cardiovasculaire, et l’aménorrhée (absence de règles) est constante chez les femmes. L'anorexie mentale peut donc mettre la vie de la personne touchée en danger, sa santé physique étant très amoindrie. L’Inserm répertorie également des «manifestations hématologiques, un risque d’infections plus important, des perturbations neurologiques, des troubles métaboliques du cholestérol et du glucose, mais également une perte des cheveux, des problèmes rénaux et hépatiques, des constipations…»
Du côté de la boulimie, on retrouve le plus souvent l’hypokaliémie, qui est une chute brutale de potassium, un électrolyte essentiel pour notre système nerveux et nos muscles. Cette chute brutale peut entraîner un décès par la survenue de troubles du rythme cardiaque. Mais aussi des règles irrégulières, des inflammations chroniques de l’œsophage si la personne a recours aux vomissements, la détérioration de l’émail dentaire, une insuffisance rénale… L’individu atteint de boulimie a tendance à fuir toute forme de vie sociale, et à développer des symptômes de la dépression: 50 % des personnes boulimiques développeraient un épisode dépressif majeur au cours de leur vie.
Même si l’anorexie mentale et la boulimie touchent en grande partie les individus à partir de 14 ans et du début de l’adolescence, les enfants peuvent parfois en être atteints. Ils représentent entre 1 et 3 cas pour 100 000 patients, selon le Centre de Référence des maladies endocriniennes de la croissance et du développement.
Les cliniciens dressent le constat que le nombre d’enfants atteints d’anorexie mentale est en augmentation, même s’il reste inférieur au nombre d’adolescents. Les symptômes physiques seront les mêmes que chez l’adolescent ou l’adulte : «Au niveau de l’état clinique, on va retrouver la même chose : la dénutrition, voire de la maigreur, des peurs alimentaires», explique Caroline Seguin. C’est la construction mentale de la maladie qui est différente de l'anorexie d’une adolescente ou d’un adulte: « C’est souvent lié à une histoire de la petite enfance, voire même de la maternité, ça peut même être in-utero», détaille la nutritionniste. Une particularité est propre à l’anorexie mentale chez l’enfant et ne concerne pas uniquement la conduite alimentaire : «La restriction hydrique, qui peut conduire à une déshydratation», rapporte la revue Sciences Humaines.
En revanche, l’enfant est beaucoup moins atteint de boulimie de manière générale, mais plutôt aux crises d’hyperphagie : «Les mécanismes de compensation (vomissements volontaires) sont assez violents, et je pense que les enfants s’autorisent moins intuitivement à se faire du mal. Cela arrive après, avec la pré-adolescence. Il faut un mental un peu plus construit pour ces mécanismes de compensation.»
Dans tous les cas, les parents peuvent être alertés par différents facteurs : baisse des performances scolaires, absentéisme, relations difficiles avec les camarades, refus de manger certains aliments… L’infirmière scolaire a également un rôle important à jouer. Les parents doivent être vigilants, tout en faisant preuve de bienveillance. Le traitement – là aussi multiprofessionnel et multidisciplinaire - est essentiel, et doit se faire avec l’accord des parents, mais surtout de l’enfant. «Il faut être dans le questionnement, l’écoute de l’enfant et surtout la bienveillance. Il faut aussi complètement intégrer l’enfant : c’est lui qui travaille. On lui fait des propositions pour le soigner, mais il doit les valider », conclut Caroline Seguin.