Mes recommandations concernant les T.C.A

L’hyperphagie nocturne, se situant à la croisée des troubles du comportement alimentaire (TCA) et des troubles du sommeil, illustre parfaitement la complexité de ces interactions. Ce comportement, qui pousse les personnes concernées à manger de manière impulsive et boulimique la nuit, s'accompagne de répercussions physiques et psychologiques souvent lourdes. Contrairement à la boulimie, l’hyperphagie nocturne ne comprend pas de comportements compensatoires comme la restriction alimentaire ou l’exercice excessif, ce qui peut contribuer à un sentiment d’impuissance accru et aggraver les effets sur la santé.

 

Les témoignages rapportés, comme ceux de Clotilde et Ben, soulignent à quel point l’hyperphagie nocturne peut être liée à des facteurs émotionnels profonds et à des états d’insomnie ou d’anxiété. La nuit, le cerveau entre dans un état différent, ce qui peut atténuer les résistances mentales habituelles. Ce relâchement nocturne, où les préoccupations et les angoisses refont surface, favorise souvent des envies de manger pour combler un vide émotionnel, apaiser une angoisse ou simplement échapper à l’ennui. Il s’agit là d’une réponse que l’on observe fréquemment dans les TCA, où la nourriture devient un réconfort, bien qu’éphémère.

 

Les répercussions de l’hyperphagie nocturne ne se limitent pas au plan émotionnel, mais touchent aussi la santé physique. En raison de l’augmentation de la production de ghréline (hormone de la faim) et de la diminution de leptine (hormone de la satiété), le cycle de sommeil perturbé peut entraîner un dérèglement alimentaire diurne. Les personnes en viennent alors à vivre un déséquilibre chronique de l’appétit, ce qui peut aggraver l’hyperphagie boulimique. Les conséquences s’étendent au niveau de la santé globale, avec un risque accru de développer de l’obésité, des troubles cardiovasculaires ou encore un diabète de type 2.

 

Le caractère isolé de ces crises nocturnes, où les personnes mangent loin des regards et hors de tout jugement social, ajoute une couche de complexité. Ce repli dans le secret de la nuit, à l’abri de toute critique, peut renforcer la fréquence des crises et rendre encore plus difficile la prise de conscience du problème. Karen Demange, psychologue clinicienne, souligne bien cet aspect de "liberté" qui existe dans la nuit pour les personnes qui se privent ou surveillent leur alimentation en journée.

 

Face à cette dualité entre TCA et trouble du sommeil, une approche thérapeutique pluridisciplinaire est essentielle. Comme Caroline Seguin le recommande, il faut envisager des traitements mêlant nutrition, psychologie et thérapies cognitives et comportementales pour explorer les déclencheurs émotionnels et les schémas de pensée qui perpétuent le trouble. La méditation de pleine conscience et l’activité physique adaptée peuvent également aider à rétablir un lien plus apaisé avec le corps et à renforcer les signaux de satiété naturels.

 

Le défi consiste souvent à identifier la cause première de ces crises nocturnes. Est-ce le trouble alimentaire qui provoque les réveils nocturnes, ou bien les insomnies qui amènent à manger pour compenser l’angoisse ? Ce diagnostic différentiel, comme le souligne Karen Demange, est crucial pour mettre en place une stratégie efficace.

 

En conclusion, l’hyperphagie nocturne se situe au croisement de deux axes de souffrance – le TCA et le trouble du sommeil – et nécessite une prise en charge complète pour briser ce cercle vicieux. Grâce à un accompagnement adapté, il est possible de démêler ces dynamiques pour que les personnes concernées retrouvent un équilibre dans leur alimentation, leur sommeil et, surtout, leur bien-être psychologique.

L'hyperphagie nocturne, à la croisée des troubles alimentaires et des troubles du sommeil

Quand se lever pour manger la nuit devient pathologique, les répercussions peuvent être lourdes.

«La plupart du temps, les crises se déclenchent durant mes insomnies. Je me couche vers minuit, et vers 4h ou 5h, si je ne dors pas, que j'angoisse ou que je m'ennuie, je me dis que je dois aller manger. Je prends tout ce qui me passe sous la main: un yaourt, un reste de pâtes froides, une giga-assiette de céréales…», énumère Clotilde, 20 ans.

 

Pour la jeune femme, ces escapades de nuit ne sont ni exceptionnelles, ni anecdotiques: à la croisée des troubles alimentaires et des troubles du sommeil se trouve l'hyperphagie nocturne, qui consiste à se lever la nuit pour manger de manière boulimique.

 

L'hyperphagie se distingue toutefois de la boulimie par l'absence de comportements compensatoires, c'est-à-dire que la personne ne cherche pas à limiter les effets de la prise alimentaire, que ce soit par la régurgitation, par des restrictions ou par une activité physique.

 

 

La nuit, un espace-temps sans limite

 

Se lever une fois de temps en temps pour aller s'enfiler un paquet de Prince ou manger du Nutella à même le pot n'a rien de pathologique. On parle de troubles du comportement alimentaire (TCA) lorsque ces comportements surviennent de manière récurrente, soit au moins une fois par semaine sur une période de plus de trois mois, et qu'ils génèrent de la souffrance.

 

«La nuit, le cerveau a un mécanisme un peu différent, il lâche prise. Les traumatismes, les angoisses et les choses psychiquement compliquées peuvent alors générer une envie de manger», détaille Caroline Seguin, diététicienne nutritionniste spécialisée dans les TCA.

 

Une activité alimentaire nocturne peut aussi être liée au fait qu'à ce moment, tout le monde dort. Une personne qui surveille son alimentation le jour peut ainsi être sujette à des prises alimentaires la nuit, à l'abri des regards et des injonctions sociales. «La nuit, les enfants dorment, on peut se relever, manger des pots de yaourt, du miel… Et le lendemain, ni vu ni connu, on prend un café le matin, une salade le midi et une soupe le soir», illustre Karen Demange, psychologue clinicienne.

 

 

Le sommeil, l'humeur, les rapports sociaux, la vie professionnelle 

et la sexualité peuvent en pâtir.

 

 

La nuit, la nourriture peut aussi apporter un certain réconfort: «À la manière d'un bébé qui prend son biberon en pleine nuit, on peut se tourner vers des aliments très enfantins comme le chocolat chaud, les tartines, la brioche… Un doudou et au lit», résume la psychologue.

 

La nourriture venant souvent combler un vide psychique dans le contexte des TCA, rares sont ceux qui se lèvent la nuit pour manger des haricots verts. «Dans la représentation mentale, un aliment à faible apport calorique n'est pas apparenté à un aliment nourrissant. Le plus souvent, la personne a besoin d'alourdir son estomac avec des aliments gras, sucrés ou les deux», appuie Caroline Seguin.

Fatigue, culpabilité et gouffre financier

 

L'hyperphagie nocturne peut avoir des effets et répercussions de plusieurs ordres: troubles psychiques et anxieux, obésité, troubles cardiovasculaires, risques de diabète, mais aussi des retentissements sociaux. Ces comportements peuvent en effet alimenter des sentiments de honte et de culpabilité, et impacter l'image de soi.

 

«Après une crise, j'ai une mini phase d'autosatisfaction qui s'accompagne d'un certain bien-être, puis j'ai comme une redescente de drogue où je me sens sale, comme une merde. D'un côté je sais que ce n'est pas ma faute, mais d'un autre je sais que ça l'est entièrement, poursuit Clotilde. C'est horrible parce que je me punis doublement en acceptant ma crise et en me la reprochant.»

 

Les nuits étant moins reposantes, ce sont aussi le sommeil, l'humeur, les rapports sociaux, la vie professionnelle et la sexualité qui peuvent en pâtir. Le manque de sommeil peut d'ailleurs accroître la production de l'hormone qui stimule l'appétit (la ghréline) et diminuer celle de la satiété (la leptine), déréglant ainsi le cycle alimentaire.

 

Les finances peuvent elles aussi faire les frais de ce doublon alimentaire: «J'ai pris l'habitude de manger la nuit depuis que je suis ado, quand je rentrais de soirée et que j'allais me servir dans le réfrigérateur avant d'aller dormir. Si quelque chose me réveille la nuit ou que j'ai envie d'aller faire pipi, je passe par la cuisine et je mange ce que je trouve. Le problème, c'est que je mange des plats qui étaient prévus pour plus tard, et que je me retrouve à aller faire des courses en plus», raconte Ben, 29 ans.

 

 

L'œuf ou la poule

 

Côté traitement, la nutritionniste insiste sur le caractère pluridisciplinaire de la stratégie à adopter. La dimension alimentaire ne suffit pas à elle seule. Pour Caroline Seguin, «il faut a minima allier nutrition et psychologie, mais aussi ouvrir l'éventail thérapeutique. Pourquoi pas suivre des thérapies cognitives et comportementales, faire de la méditation de pleine conscience, faire une activité physique adaptée…»

 

Et puis surtout, il faut dénouer le nœud de la pathologie pour savoir quel trouble était là le premier. «En investiguant avec les patients, un thérapeute peut s'apercevoir que certains mangent parce qu'ils sont réveillés par leurs troubles du sommeil, quand d'autres sont réveillés par leur trouble alimentaire. Il faut faire un diagnostic différentiel afin de savoir si c'est l'œuf ou la poule», explique Karen Demange.

 

Si les troubles du sommeil et alimentaires sont intimement liés, les spécialistes de santé à consulter et le traitement à adopter seront effectivement différents selon l'origine de ces passages nocturnes dans la cuisine.