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L'hyperphagie est un trouble alimentaire encore mal connu qui se distingue pourtant par sa complexité et sa prévalence, touchant autant les hommes que les femmes de tous âges. Contrairement à l'anorexie ou à la boulimie, l’hyperphagie est rarement évoquée dans les médias, et pourtant, elle est définie comme une pathologie à part entière dans le DSM-5, le manuel de référence en psychiatrie. Cette reconnaissance souligne l'importance d'en comprendre les signes et les mécanismes pour aider ceux qui en souffrent. L’hyperphagie se manifeste par une consommation excessive d'aliments, souvent rapide et incontrôlée, qui n'est pas suivie de comportements compensatoires comme dans le cas de la boulimie. Selon Caroline Seguin, diététicienne spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire, l'hyperphagie se distingue par des crises alimentaires au cours desquelles une personne mange sans réelle faim, jusqu'à ressentir une gêne physique, souvent de façon solitaire, accompagnée de sentiments de culpabilité ou de dégoût.
Ces crises, qui surviennent généralement pour apaiser des émotions négatives telles que le stress ou la tristesse, créent un cercle vicieux : elles procurent un soulagement temporaire mais entraînent un mal-être renforcé, une prise de poids, et une baisse de l'estime de soi. Ce cercle peut être difficile à briser, et les personnes qui en souffrent sont souvent sujettes à l'isolement. L'hyperphagie devient donc non seulement un enjeu de santé mentale mais aussi de santé physique, car elle expose à des risques accrus d’obésité et de maladies associées.
Identifier l'hyperphagie chez un proche n’est pas évident, car ce trouble alimentaire peut être caché par honte ou par peur de jugement. Des indices peuvent néanmoins être observés, comme une variation de poids importante, des signes d'irritabilité ou une tristesse apparente. Caroline Seguin souligne que les comportements répétitifs, comme la disparition rapide de grandes quantités de nourriture ou le fait de se replier lors des repas, peuvent signaler ce trouble. Cependant, elle met en garde contre la confusion entre des excès alimentaires occasionnels et des crises régulières d'hyperphagie, ces dernières se produisant au moins une fois par semaine pendant plusieurs mois.
Les causes de l'hyperphagie étant variées, son traitement nécessite une approche multidisciplinaire. En effet, comme l'explique Caroline Seguin, les émotions négatives et les expériences de vie difficiles jouent un rôle central dans l’apparition des crises. Des événements comme un traumatisme, un deuil ou même des sentiments de solitude peuvent déclencher ces comportements de consommation excessive, devenant un refuge temporaire pour échapper aux émotions ressenties. En parallèle, la pression sociétale et les idéaux de minceur, surtout pour les jeunes femmes, amplifient souvent ce besoin de contrôle alimentaire qui dégénère en crises.
Pour soigner l'hyperphagie, une combinaison de soutien psychologique et d’accompagnement diététique est nécessaire. Les thérapies cognitives et comportementales (TCC), reconnues pour leur efficacité, permettent de repérer les déclencheurs émotionnels des crises et aident le patient à mieux les gérer. Caroline Seguin recommande également d'intégrer des pratiques de pleine conscience, qui permettent aux personnes concernées de se reconnecter à leurs sensations et de cohabiter avec leurs émotions, sans chercher à les étouffer par la nourriture. Sur le plan nutritionnel, des conseils pratiques peuvent aider à établir un rapport plus sain avec la nourriture, comme manger lentement, limiter les achats compulsifs et privilégier les repas partagés.
En somme, l’hyperphagie, bien que discrète, est un trouble alimentaire aux répercussions profondes, tant physiques que psychologiques. Une prise en charge précoce et complète permet d’aider ceux qui en souffrent à retrouver une relation apaisée avec la nourriture et, surtout, avec eux-mêmes.
Hyperphagie : quand trop manger devient une maladie
Moins connue que l'anorexie ou la boulimie, l'hyperphagie est un trouble du comportement alimentaire présenté comme une entité à part entière dans le dernier Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, paru en 2013, manuel de référence en psychiatrie.
Ce trouble se caractérise par une prise alimentaire importante et compulsive, où les personnes mangent rapidement de grosses quantités d'aliments sans arriver à se contrôler. "On parle d'hyperphagie quand au moins 3 des critères suivants sont présents : manger plus rapidement que la normale ; manger jusqu'à ressentir une gêne abdominale ; manger sans sensation de faim ; manger seul par gêne ; ressentir du dégoût, de la culpabilité après avoir mangé", explique Caroline Seguin, diététicienne nutritionniste, spécialiste des troubles du comportement alimentaire.
Les deux troubles sont très proches, mais dans le cas de l'hyperphagie, il n'y a pas de comportement visant à éliminer ce qu'on a avalé. "Dans la boulimie au contraire, on observe des comportements compensatoires : vomissements, prise de laxatif, activité physique intensive, périodes de restriction alimentaire", explique Rébecca Shankland, psychologue et maître de conférences à l'Université Grenoble Alpes.
Résultat, les personnes hyperphagiques sont en surpoids voire obèses. Ce problème de poids accentue leur souffrance et donc les risques de crises car celles-ci sont en fait un moyen de fuir les émotions négatives. Ainsi s'enclenche un cercle vicieux menant à plus de mal-être et plus de problèmes alimentaires.
Il n'est pas toujours facile de repérer l'hyperphagie car les personnes qui en souffrent ont tendance à se cacher lors des crises, à faire disparaître les paquets vides, voire à re-remplir les placards. "Le poids est un bon indice puisqu'on estime que la majorité des personnes obèses souffrent d'hyperphagie", indique la diététicienne. Autres signes repérables : l'irritabilité, la tristesse. "Les personnes qui ont l'impression de perdre le contrôle d'elles-mêmes se sentent de plus en plus angoissées, avec des sentiments de honte, de culpabilité, de tristesse, voire de dépression", explique la psychologue. Enfin à table, un comportement alimentaire anormal qui dure, que se soit le fait de manger beaucoup ou très peu (s'il y a eu une crise juste avant) doivent alerter.
"Il y a une grande différence entre les gens qui mangent beaucoup à table par convivialité, pour le plaisir des sens, et les personnes hyperphagiques qui perdent le contrôle et absorbent de grande quantité sans plaisir, pour soulager une tension", poursuit Rébecca Shankland.
Il nous arrive à tous de finir un paquet de gâteaux ouvert sans y penser devant la télé, de consommer la moitié d'une tablette de chocolat alors qu'on voulait en prendre 2 carrés, de manger en excès lors d'un repas de famille parce que tout est bon... "C'est la régularité qui doit alerter, indique Caroline Seguin. On parle d'hyperphagie quand les crises surviennent au moins une fois par semaine pendant 3 mois".
Ce trouble concerne aussi bien les hommes que les femmes, les enfants que les adultes. Toutefois "la pression pour correspondre à l'idéal de minceur véhiculé par les médias est plus forte chez les filles", souligne Rébecca Shankland. On observe souvent chez elles des comportements de restriction alimentaire : repas sauté, aliments gras et sucrés écartés. Or plus la restriction est importante, plus le risque de perte de contrôle devient fort.
Les crises hyperphagiques sont déclenchées par des émotions négatives (tristesse, angoisse) dont les causes peuvent être multiples : un événement traumatique vécu dans la petite enfance (viol, maltraitance), des événements douloureux de la vie (divorce, deuil), une sentiment d'inadéquation (impression de ne pas être accepté dans son groupe d'amis, de ne pas être aimé par sa famille), de solitude (peu de relations)... "Cela peut toucher aussi bien un avocat surmené qui a l'impression de ne pas être à la hauteur, qu'une personne précaire et désocialisée", résume Caroline Seguin.
"Les causes étant multifactorielles, il est important qu'il y ait une approche pluridisciplinaire, indique la diététicienne. J'invite les personnes qui viennent me voir à consulter également un psychologue, à contacter des associations, des groupes de parole...".
Au diététicien de faire le bilan nutritionnel, de donner des conseils alimentaires personnalisés et des petits exercices à faire à la maison : manger en famille quand c'est possible, manger lentement, prendre conscience des quantités, n'acheter qu'un paquet de biscuits par semaine... Au psychologue d'aider à comprendre l'origine du problème. "Les thérapies cognitives et comportementales sont les plus efficaces à ce jour, indique la psychologue, elles consistent à aider l'individu à repérer ce qui déclenche les crises, afin de les diminuer et ainsi de baisser les émotions négatives et améliorer l'estime de soi".
En diminuant les restrictions notamment, on diminue d'autant les risques de perte de contrôle. En parallèle, on cherche ce qui est important pour l'individu (par exemple voir plus souvent ses amis), afin de développer ce qui donne du sens à sa vie. "Les exercices de pleine conscience sont aussi intéressants pour apprendre à accepter les émotions négatives, ne pas se laisser submerger par elles, les faire cohabiter dans le présent avec les émotions positives"